17

« Et je n’hésiterai pas à me servir de ces hommes anormaux, de ces aventuriers. Il en est beaucoup qui sont inutiles dans des conditions respectables mais irremplaçables pour cette tâche. »

 

Adolf Hitler

 

Holly décida qu’il était temps pour elle d’agir. Elle savait que ses hommes hésiteraient à s’approcher, mais son absence prolongée les y forcerait. Néanmoins il risquait d’être trop tard.

Elle avait été sincèrement ébahie en découvrant « par hasard » le site de missiles. Elle n’ignorait pas que Gant et sa clique avaient des projets dangereux, mais elle ne s’attendait pas à un tel potentiel de destruction. S’il était connu pour fournir les mouvements terroristes en armement, on estimait ses méthodes personnelles pour saper la civilisation occidentale plus raffinées et insidieuses. Elle avait commis une erreur grossière en se faisant surprendre alors qu’elle photographiait le site, mais sa couverture maintenait un doute dans leur esprit. Après tout, rien de plus naturel pour une reporter indépendante que d’être curieuse d’une telle découverte. Depuis une dizaine d’années, beaucoup de journalistes avaient rêvé d’un article exclusif sur « Edward Gant, Marchand d’armes du XXe siècle ». Son insistance n’avait donc rien de bien surprenant. De plus, Gant s’était mis à rechercher la publicité sur son nom, et le lien de parenté de Holly avec son ex-femme l’avait amenée à une position privilégiée. Jusqu’à quel point elle était privilégiée, la jeune femme craignait fort de l’apprendre à ses dépens.

Gant l’avait invitée la veille dans cette propriété en lui promettant une exclusivité qui rendrait jalouse toute la presse mondiale. Tôt le matin, une voiture était venue prendre la jeune femme à son appartement avec la proposition de Gant. Elle avait dû partir sans pouvoir prévenir les autres, mais elle était sûre qu’ils ne la perdaient pas de vue.

Quand Harry lui avait appris l’utilisation projetée du missile, elle avait été effarée par la fourberie du plan de Gant. On ne pourrait identifier les auteurs de l’attentat, mais les Israéliens et les Arabes s’accuseraient mutuellement, c’était une évidence. Les négociations de paix s’en trouveraient compromises. Le but était d’embraser de nouveau le Moyen-Orient, et cette fois Israël risquait fort l’anéantissement.

Puisqu’on y avait amené Harry, Holly avait supposé que des micros étaient dissimulés dans la pièce et elle avait dû nier toute connaissance de l’organisation secrète de Gant. Pourtant, elle n’avait pas menti au sujet du Mossad. Elle aurait aimé le serrer dans ses bras et lui dire qu’il n’était pas seul, que d’autres connaissaient les projets de Gant, que son gouvernement prenait très au sérieux le groupe nazi le plus puissant depuis la guerre, mais elle n’avait rien pu faire pour ôter de son visage cet air soupçonneux et fermé. Les supérieurs de Holly savaient que l’organisation de Gant étendait ses ramifications jusqu’au plus haut niveau, les Services secrets britanniques n’échappant pas à cette infiltration, et qu’ils devaient agir avec une très grande prudence dans ce pays où le nid se développait, car ce n’était pas une menace uniquement pour l’Angleterre mais bien pour le monde entier.

L’arrivée soudaine du détective sur la scène avait perturbé l’organisation de Holly et elle ne comprenait toujours pas l’importance qu’il pouvait avoir pour Gant. Sa relation affective avec Harry ne lui avait rien appris sinon qu’il avait travaillé pour le Mossad. Alors pourquoi Gant avait-il pris tant de peine pour l’amener dans son jeu ?

Holly se leva du fauteuil et s’approcha sans bruit de la porte. Elle colla son oreille contre le battant de bois et écouta. Aucun son ne lui parvenait de l’extérieur. Même s’ils ne la croyaient pas dangereuse, elle doutait qu’ils l’aient laissée sans surveillance. Elle tourna la clenche, mais la porte ne s’ouvrit pas.

— Arrêtez, fit une voix dans le couloir. Vous n’irez nulle part.

Du regard Holly parcourut la pièce, plus pour trouver une idée qu’un objet. C’est pourtant un objet qui lui donna l’idée qu’elle cherchait.

 

Kristina referma la porte et lui sourit.

Il devait admettre qu’elle était très belle, avec ses longs cheveux noirs encadrant un visage d’une exquise pâleur. Le rouge des lèvres aurait pu être une tache de sang sur la neige. Seuls ses yeux paraissaient étrangers au reste du visage par leur vivacité. Ils brillaient d’un feu profond où le détective crut discerner de l’amusement, mais aussi du désir.

Sa jupe en velours couleur terre de Sienne descendait jusqu’à mi-mollet. Fendue sur les côtés elle découvrait la ligne souple de sa cuisse et le cuir noir des bottes à hauts talons. Un chemisier ocre était ouvert en un décolleté provocant qui complétait sa sensualité agressive. Malgré lui, Steadman sentit l’excitation monter en lui. Il saisit son rapide coup d’œil en direction de la bouteille de cognac et maîtrisa aussitôt sa réaction.

— Je voulais vous voir, Harry, dit-elle en avançant vers lui.

— Pourquoi ? rétorqua-t-il.

Elle s’arrêta devant lui.

— Pour vous parler. Peut-être pour vous sauver.

Pendant une seconde il fut trop surpris pour répondre.

— Vous m’aideriez à sortir d’ici ?

— Je vous aiderais à échapper au sort qu’Edward Gant vous réserve.

Le peu d’espoir qui était né en Steadman mourut aussitôt.

— Comment ? se força-t-il à demander.

— En le persuadant de vous garder en vie, parce que vous pourriez lui être utile.

Elle s’était imperceptiblement rapprochée de lui, et il baissa les yeux vers elle, plus intrigué qu’attiré.

— Comment pourrais-je être utile aux Thulistes ?

— Vous êtes un homme plein de ressources ; vous avez réussi à survivre dans des situations très difficiles. Vous connaissez bien les services secrets israéliens, un ennemi naturel de notre mouvement, et tout ce que vous pourriez nous apprendre sur eux serait bienvenu. Votre passé prouve que vous pouvez vous montrer impitoyable, et c’est une qualité dont ce pays aura bientôt besoin.

— Mais ne faudrait-il pas que j’épouse la cause nazie ? fit-il d’un ton acide.

— Vous finirez par y arriver. Tous nos membres ne partagent pas nos idéaux, nous en sommes conscients. Certains ne recherchent le pouvoir que pour ce qu’il représente, non pour l’avancement de la race mais pour un gain personnel. Un jour viendra où ils verront les choses à notre façon.

— Et vous pensez que Gant me ferait confiance ?

— Il faudrait le persuader que vous en êtes digne. Je pourrais vous y aider.

— De quelle manière ?

— Je pourrais influencer son jugement... si moi-même j’avais confiance en vous. Je l’ai déjà fait par le passé...

Elle plaça une main sur son épaule et il frissonna.

— Mais pourquoi croiriez-vous en moi ?

— Si nous étions amants... (Il dut se retenir pour ne pas lui éclater de rire au visage.) Je saurais.

— Et le major Brannigan ? N’est-il pas votre amant ?

Elle lui sourit avec indulgence.

— Vous êtes très observateur. Andrew est un homme faible. Il n’a ni vos qualités ni votre force.

— Mais je parie que vous l’avez poussé à entrer dans votre petit clan.

— Quelle importance maintenant, Harry ?

Elle réduisit encore l’espace qui les séparait et finit par se presser contre lui. Le contact était à la fois repoussant et envoûtant. Le peu de cognac drogué qu’il avait bu commençait-il à faire effet ? Ou étaient-ce les yeux de Kristina ? Ils avaient une intensité singulière et il sentit son esprit envahi par une agréable lassitude. Il s’efforça de se concentrer sur la légende de Parsifal et la folie de Gant. Mais en contemplant le visage de Kristina il était difficile d’imaginer quelque motif autre que la séduction. Il ne serait pas humiliant de succomber à une telle beauté, non... D’ailleurs lui n’avait jamais prononcé de vœux de chasteté... Ses yeux sombres l’attiraient irrésistiblement et il se sentit baisser la tête, approcher ses lèvres de la bouche pulpeuse entrouverte. Il avait l’impression d’être hypnotisé, de céder au désir de la jeune femme...

En une fraction de seconde il eut l’exacte révélation de ce qui se passait : elle sapait sa volonté, se nourrissait de ses forces. Son pouvoir ne résidait pas dans son corps mais dans son esprit. Par le magnétisme de son regard, elle se gorgeait de son énergie, le plongeait dans un maelstrom mental où il se noyait lentement, avec délice. Elle prit sa main et la plaqua sur son sein. Il sentit la boule dure du mamelon sous sa paume. Elle pressait ses cuisses contre lui et son corps répondit sans plus de retenue. Le désir physique lui faisait oublier la légende et sa situation actuelle. Leurs lèvres se touchaient presque et seul un reste de méfiance l’empêchait encore de céder. Mais c’est sa réaction physique à elle qui le sauva. Il sentit une protubérance répondre à la sienne au niveau du sexe.

Avec un cri de rage il la repoussa et lui assena un coup de poing en plein visage. Elle recula de deux pas et s’écroula sans grâce. Il comprit soudain la raison de la tentative de séduction qu’ils avaient confiée à la créature. Ils voulaient l’avilir pour briser sa « pureté ».

La porte s’ouvrit brusquement et Pope entra, suivi de plusieurs gardes en armes. Le gros homme lança un regard rageur à Steadman avant de se tourner vers Kristina. L’androgyne couvrait d’une main son visage qui commençait déjà à enfler. Il cracha dans la direction du détective.

— Espèce de fumier ! s’écria-t-il d’une voix devenue gutturale. Espèce de sale petit fumier !

Avant que Pope ou un de ses hommes puisse intervenir, Steadman avança d’un pas et lança un coup de pied à l’hermaphrodite encore au sol.

Il fallut moins de deux minutes aux gardes pour lui faire perdre connaissance sous une grêle de coups, mais il eut la satisfaction d’entendre les pleurs de Kristina avant de sombrer dans les ténèbres.

 

Debout sur la couchette, Holly Miles dévissa l’ampoule pendue au plafond en se protégeant la main d’une taie d’oreiller. La pièce fut soudain plongée dans l’obscurité et la jeune femme se figea un moment, le temps que sa vision s’ajuste. Au-dehors, la pleine lune émergea des nuages, accroissant la visibilité, et elle remercia le hasard. Sans bruit, elle descendit de son perchoir et vint coller son oreille contre la porte. Il n’y avait pas de bruit de conversation dans le couloir, et elle en fut soulagée. Elle doutait de pouvoir se charger de plusieurs hommes.

De ses ongles elle tambourina contre le bois.

— Eh ! dit-elle à voix basse. Ouvrez. Je veux parler à Gant.

Elle ne reçut aucune réponse et frappa du poing, plus fort.

— Eh, vous ! J’ai quelque chose à dire à Gant ! C’est important.

Toujours aucune réponse. Elle commençait à se demander s’il y avait toujours un garde dans le couloir.

— Vous m’entendez ? lança-t-elle en continuant de marteler la porte.

— Ça suffit ! fit une voix de l’autre côté.

— Ah, le zombie parle ! Écoutez, il faut que je voie Gant.

— Mr. Gant est occupé.

— Mais j’ai une information cruciale pour lui. Et je vous préviens, c’est important.

— La ferme ! répondit le garde avec un peu d’irritation.

— Connard ! siffla-t-elle.

Elle donna un coup de pied dans la porte.

— Je vous ai dit d’arrêter ! grogna l’homme, un peu plus énervé.

Un autre coup de pied, plus fort.

— Je vous ai prévenue ! J’ai l’ordre de vous faire tenir tranquille !

Elle shoota dans le bois avec entrain.

— Vous feriez mieux de me laisser le voir, abruti ! Sinon vous allez le regretter !

Il y eut un bref silence ; et elle imagina l’homme en train de réfléchir à cette éventualité.

— Qu’avez-vous à dire à Mr. Gant ?

— C’est entre lui et moi.

— Oh non. Il y a une réunion importante ce soir et je ne vais pas le déranger comme ça.

— Alors appelez votre supérieur hiérarchique.

— Le major Brannigan est occupé.

Sans doute à surveiller la mise en place du missile, songea Holly.

— Très bien, alors votre capitaine ou votre sergent, ou n’importe qui au-dessus de vous ! cria-t-elle.

Elle avait remarqué que les mercenaires de Gant n’avaient pas de rang défini, et elle espérait vexer celui-ci. Mais il paraissait doué d’un calme bovin.

— Laissez tomber. Ou vous allez vous attirer des ennuis.

Elle se mit à l’injurier copieusement et frappa la porte avec frénésie.

— Très bien ! s’écria enfin le garde. Vous l’aurez voulu !

Le grincement de la clef tournant dans la serrure parut délicieux à Holly. Elle se jeta à plat ventre sous la couchette et attendit, priant maintenant qu’un nuage cache la lune. L’homme ouvrit la porte et la fit claquer contre le mur pour prévenir un piège de ce côté. Le canon de son pistolet-mitrailleur balaya rapidement la pièce, prêt à faire feu sur la moindre menace. La lumière du couloir ne dispensait qu’une lueur insuffisante et Holly entendit l’homme jurer.

Si c’était un véritable professionnel, Holly savait qu’il reculerait immédiatement et se collerait contre le mur du couloir pour être moins vulnérable. Elle agit donc immédiatement.

Sans se montrer, elle lança l’ampoule de l’autre côté de la pièce, sur la gauche du garde. Le verre explosa avec un bruit sec. L’homme se tourna dans cette direction et Holly roula sur le sol pour se redresser aussitôt avec souplesse et bondir dans le même mouvement. Elle le bouscula de tout son poids avant qu’il n’ait totalement pivoté. Il poussa un cri d’alarme et fut projeté contre la porte. Le choc lui fit lâcher son arme. Vive comme un chat, Holly se releva la première. Son pied atteignit à la pointe du menton l’homme qui tentait de se relever. Sa tête cogna rudement contre le chambranle et il s’affaissa avec un soupir étouffé.

Holly repoussa les cheveux de son front d’un geste machinal puis s’approcha de sa victime. Elle souleva une paupière pour vérifier que l’homme était bien assommé. Il resterait un bon moment inconscient. Elle le saisit sous les aisselles et le traîna avec une force étonnante dans la pièce. Après l’avoir ligoté et bâillonné avec les draps, elle le poussa sous la couchette puis ressortit et referma la porte. L’absence du garde alerterait sans doute toute personne arrivant dans le couloir, mais elle avait appris à ne négliger aucun atout, aussi minime fût-il. Elle avait ramassé le pistolet-mitrailleur et fut étonnée de sa légèreté. Il ressemblait beaucoup à l’Ingram mais était indiscutablement plus maniable. S’il tirait lui aussi au rythme de mille deux cents coups minute, l’armée privée de Gant était équipée du meilleur matériel.

Elle se figea et écouta, mais la courte lutte n’avait apparemment été entendue de personne. Elle suivit le couloir d’un pas silencieux, prête à se cacher dans une des encoignures de porte à la moindre alerte. Elle se dirigeait vers l’arrière de la maison en évitant l’escalier principal. Son objectif était la partie la plus ancienne de la demeure, avec son étrange tour.

 

Venu de la mer, un vent froid et cinglant venait buter en sifflant contre l’ancienne tour de l’église. La lune apparut un instant entre les masses nuageuses qui obscurcissaient le ciel, et sa lumière laiteuse baigna le groupe d’hommes allongés à plat ventre derrière le parapet, au sommet de la tour. Un seul était accroupi et surveillait avec de puissantes jumelles à infrarouges la demeure blanchâtre distante de quelque deux kilomètres.

— Toujours aucun mouvement, Sir, fit le guetteur en baissant la tête. A mon avis, ils se sont couchés.

L’homme à qui il s’adressait consulta le cadran luminescent de sa montre.

— Presque onze heures et demie... Le dernier hélicoptère est arrivé vers dix heures, c’est bien ça ?

Accroupi à côté de lui, Sexton acquiesça.

— Oui, à peu près. Ce devait être le dernier attendu. On y va maintenant, Sir ?

L’inspecteur principal Burnett aimait bien l’ex-policier Blake, mais les enjeux de cette affaire dépassaient de loin la vie d’un seul homme. L’opération était placée sous la tutelle du commissioner[3] et du ministre de l’Intérieur.

— Désolé, mais nous ne pouvons rien faire tant que le commissioner n’en a pas donné l’ordre.

— Mais qu’attendons-nous au juste ? insista Blake. Il est peut-être mort à l’heure qu’il est !

— Écoutez, Mr. Blake, fit l’inspecteur principal d’un ton patient, je comprends votre inquiétude mais ce Steadman s’est rendu là-bas de son plein gré...

— Il a dit qu’il devait le faire, qu’il devait jouer le jeu de Gant. Il craignait pour la vie de cette jeune femme et il ne savait pas quel était son rôle exact, si elle ignorait tout ou non...

— Holly Miles. Oui. Nous savons tout d’elle à présent, dit Burnett avec une certaine lassitude.

— Pourquoi n’avons-nous pas été informés à son propos plus tôt, Sir ? fit un des hommes proches.

— Manque de confiance, Andy. Ils ont joué leur partie à couvert. Mais bon sang, qui aurait pensé que Pope était aussi roué...

— Depuis combien de temps étaient-ils au courant, eux ? demanda le sergent.

— Aucune idée. Mais vous pouvez deviner que c’est pour cette raison que la CIA était sur le coup. Personne n’était sûr de pouvoir vraiment faire confiance au M15. Si quelqu’un à l’échelon de Pope pouvait faire partie du groupe de Gant, comment savoir s’il n’y en avait pas d’autres, plus haut ou plus bas dans la hiérarchie ?

— Il eut une grimace dégoûtée.

— Aah, ça me rend malade rien que d’y penser...

Sexton se redressa pour détendre les muscles de ses jambes. Le vent lui gifla aussitôt le visage et il referma un peu plus le col de son manteau. Il regarda par-dessus la balustrade. Au pied de la vieille tour, bien dissimulées derrière les tas de pierre de l’ancien édifice, les Range Rover des Services spéciaux étaient sagement garées, feux éteints, avec à leur bord les équipes d’assaut attendant l’ordre de passer à l’action.

Pour Sexton, les vingt heures écoulées n’avaient été qu’une longue frustration, et chaque minute accroissait son inquiétude pour Steadman. Ils avaient fait exactement ce que leur avait demandé Harry. Steve et lui avaient continué de surveiller la propriété de Guildford jusqu’à l’arrivée de la police. Les gardes étaient apparus et avaient refermé les grilles, puis ils avaient ramassé les cadavres de l’homme et des deux chiens et les avaient emmenés. Suivant les directives de Steadman, les deux détectives avaient attendu encore plusieurs heures pour laisser à Pope le temps d’agir. Mais, à l’aurore, il ne s’était toujours rien passé. Sexton avait alors eu la conviction qu’il n’arriverait rien. Il avait laissé Steve en poste  – le jeune détective avait vraiment montré beaucoup de constance tout au long de la nuit – et était retourné en voiture à Londres, directement à Scotland Yard. Il y avait gardé de bons contacts, heureusement, sans quoi il aurait éprouvé des difficultés à leur faire accepter ce qu’il leur raconta. Certains de ses anciens collègues lui devaient quelques faveurs et ils avaient mené une rapide enquête. Les Services spéciaux avaient été joints pour savoir s’ils avaient des renseignements sur le sujet, et d’un coup les choses avaient pris une tout autre dimension.

Lorsque Scotland Yard pose des questions sur un membre du M15, la réaction est immédiate. Sexton se trouva bientôt interrogé par plusieurs personnes d’un rang à l’évidence élevé, dont un Américain. Il leur dit tout ce qu’il savait, à vrai dire pas grand-chose. Mais cela parut leur suffire. L’affaire fut prise en main par quelques personnes et les décisions arrêtées en un temps record.

Steve fut ramené à Londres et la propriété de Guildford placée sous surveillance discrète mais efficace, sans qu’aucune action ne soit entreprise. Les hommes de Gant, à l’intérieur, devaient se sentir en parfaite sécurité.

Beaucoup de paramètres de l’opération en cours échappaient maintenant à Sexton, et il se rendit compte que les membres des Services spéciaux qu’il côtoyait étaient plus ou moins dans le même cas. Néanmoins une chose était certaine : les autorités  – et cela au plus haut niveau  – étaient conscientes de l’existence d’un risque majeur, sinon elles n’auraient pas déclenché une opération d’une telle envergure. Sexton avait presque l’impression que Steadman avait servi de détonateur. Et l’Américain qui l’avait questionné pouvait également signifier que la CIA était de la partie...

Sexton s’accroupit de nouveau à l’abri du parapet et jura à mi-voix.

— Nous ne pouvons pas rester ici éternellement ! s’écria-t-il.

Burnett posa une main sur son bras et se pencha vers lui.

— Nous devons attendre, Mr. Blake. Ce ne sera plus long, je vous le promets. Le commissioner doit arriver pour diriger lui-même l’opération. C’est vous dire l’importance de la chose.

— Alors pourquoi n’est-il pas encore là ? rétorqua rageusement Sexton. Pourquoi nous fait-il mariner ?

— Je n’en suis pas certain, mais je crois qu’il doit arranger une action concertée. Il semblerait qu’il ne s’agisse pas d’un simple groupuscule de terroristes fanatisés mais de salopards très bien placés, des types aussi riches et influents que Gant, peut-être même plus. A mon avis, le commissioner a dû consulter le Premier ministre en personne pour définir la meilleure façon d’agir.

— N’empêche que nous perdons un temps précieux !

— Nous aurons investi les lieux dans les minutes qui suivront le feu vert. Nous avons un contingent de commandos de marine qui ont été acheminés de leur base de Plymouth par des hélicoptères de la Royal Navy Air Force et qui attendent, comme nous. Nous savons que Gant s’est constitué une sorte de garde prétorienne de mercenaires et, s’il y a résistance, nous devrons frapper fort. Il y aura du sang de versé, sans doute. En ce qui me concerne, je suis aussi pressé que vous d’en finir, mais nous devons attendre les ordres. Alors soyez patient et essayez de ne pas trop vous en faire pour Steadman. Jusqu’à présent, il s’en est plutôt bien tiré, non ?

Sexton serra les mâchoires. Oui, Harry s’était bien débrouillé jusqu’ici. Il avait eu de la chance. Mais combien de temps encore lui sourirait-elle ?

La lance
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